Le discours de Kamala Harris à la Convention nationale démocrate (DNC) de 2024, bien qu’énergique et porteur d’une rhétorique prometteuse, reflète une stratégie politique ancrée dans des concepts de droite, dissimulant ainsi un manque d’engagement envers les politiques économiques progressistes que beaucoup attendaient d’elle. Sonali Kolhatkar, journaliste et militante engagée, analyse ce discours et démontre comment Harris, malgré un contexte favorable pour promouvoir des idées radicalement progressistes, a préféré utiliser un langage conservateur et centré sur le concept d’« opportunité » plutôt que sur les « droits ».
L’« économie des opportunités » : un concept trompeur
Le choix des mots de Kamala Harris, en particulier son insistance sur l’« économie des opportunités », révèle une tendance inquiétante à s’aligner sur une rhétorique traditionnellement associée à la droite. Le terme « opportunité » est souvent employé pour suggérer que chacun a la possibilité de réussir, à condition de saisir les occasions qui se présentent. Pourtant, Kolhatkar souligne que ce concept est fondamentalement problématique dans un contexte de grandes inégalités sociales et raciales. En effet, bien que les opportunités existent théoriquement pour tous, la réalité montre que les obstacles structurels empêchent souvent les minorités et les classes défavorisées d’en tirer pleinement profit. Le fossé de la richesse raciale aux États-Unis en est un exemple flagrant.
Droits contre opportunités : une divergence idéologique
Kolhatkar critique également l’usage du terme « opportunité » au détriment du terme « droits ». Là où les droits suggèrent des garanties fondamentales pour tous, indépendamment de leur capacité à saisir des opportunités, l’« économie des opportunités » reste alignée sur une vision capitaliste individualiste, où ceux qui échouent sont simplement considérés comme n’ayant pas su tirer parti des chances qui leur ont été offertes. Harris, en insistant sur les opportunités plutôt que sur les droits, reste dans une logique qui favorise les inégalités systémiques et ne remet pas en cause les structures de pouvoir en place.
Une rhétorique progressiste superficielle
Bien que Harris ait vanté ses actions passées en tant que procureure générale de Californie, notamment en prenant position contre les grandes banques et en promouvant des droits pour les propriétaires menacés de saisie, ces exemples demeurent des actions isolées, principalement légales et défensives, plutôt qu’un programme proactif pour élargir les droits économiques et sociaux des citoyens. Kolhatkar observe que Harris semble plus attachée à maintenir un statu quo modéré qu’à s’engager pour des réformes profondes et nécessaires.
Le contraste avec Bernie Sanders et l’évolution de la DNC
Kolhatkar souligne également l’évolution de la DNC et le contraste avec la rhétorique de Bernie Sanders, dont les idées autrefois considérées comme radicales sont maintenant de plus en plus adoptées par le parti. Cependant, Harris semble en décalage avec cette tendance. Là où Sanders insiste sur des droits universels tels que la santé pour tous, Harris se contente de défendre les acquis face aux attaques républicaines sans proposer d’avancées significatives.
Une opportunité manquée
Finalement, Kolhatkar conclut que Harris, malgré un contexte politique favorable pour adopter un discours résolument progressiste, a choisi une voie plus prudente et conservatrice. En préférant un langage de « liberté » et « d’opportunité » plutôt que de « droits », Harris rate une occasion de s’aligner sur les aspirations d’une partie croissante de l’électorat démocrate, qui souhaite voir le parti s’éloigner des politiques néolibérales et embrasser un programme plus inclusif et égalitaire. Ce choix de langage et d’approche pourrait bien avoir des conséquences sur la mobilisation des électeurs progressistes lors des prochaines élections.